Nos si beaux rêves de jeunesse by Christian Signol

Nos si beaux rêves de jeunesse by Christian Signol

Auteur:Christian Signol [Signol, Christian]
La langue: fra
Format: epub
Tags: 2016-10-04T18:12:20.578000-03:00 JF
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2015-08-06T22:00:00+00:00


8

À L’OCCASION du 14 Juillet de l’année 1935, Marius avait donné congé à ses ouvriers, afin qu’ils puissent participer aux diverses manifestations qui devaient animer la ville au cours de la journée.

– Tu viendras ? avait demandé Gino à Étienne.

– Non ! Je dois aller à Montalens.

– Qu’est-ce qui t’y oblige ?

– Rien. J’ai envie d’y aller, c’est tout.

Plus que d’une envie, il s’agissait d’un besoin de replonger dans un autre monde que celui dans lequel il vivait et où il ne se sentait décidément pas à sa place. Avec les premiers beaux jours de l’été, il avait repensé au fleuve, à l’île et à ses plages, à la paix de la vallée, à Eugène vis-à-vis duquel il s’estimait coupable, et qu’il imaginait assis sur sa barque dans les matins étincelants de cette lumière magique impossible à retrouver ailleurs.

– Viens au moins le soir au bal et au feu d’artifice, avait insisté Gino.

– J’essaierai. Je reprendrai le train de six heures.

– Alors on se retrouvera sur la place du Capitole.

– Entendu.

C’est ainsi que le matin du 14, sans le moindre remords tellement il avait besoin de renouer avec ce qu’il avait perdu, Étienne arriva vers neuf heures à la gare de Montalens et prit aussitôt la direction du fleuve. Il savait que Lina n’avait pas de congé ce jour-là, parce qu’elle travaillait aussi le 14 juillet dans les vergers, car la cueillette des fruits ne pouvait pas attendre. Et pourtant, sur le chemin baigné de rosée, il s’attendait à tout moment à la voir surgir devant lui, comme autrefois, comme si rien ne s’était passé – comme si rien ne les avait séparés.

Au fur et à mesure qu’il avançait, il sentait une vague tiède se lever dans son cœur : quelque chose d’infiniment précieux, qui le réconciliait avec la meilleure part de lui-même. Ce n’était pas tout à fait conscient, mais seulement ressenti : il avait la sensation de regagner son véritable foyer, sa vraie demeure. Il se dirigea vers la maison d’Eugène, qui était rentré de la pêche et ravaudait ses filets en fumant son éternelle cigarette.

– Te voilà, toi ! fit le pêcheur, avec, sembla-t-il à Étienne, un reproche dans la voix.

– Oui, c’est moi.

Un lourd silence les sépara un moment, puis Eugène remarqua :

– Tu te languis, là-bas ?

Et, comme Étienne ne répondait pas :

– C’est pas vrai ?

– Ça dépend des jours.

Il n’aperçut pas le regard qui fit crépiter les yeux du pêcheur, lequel proposa aussitôt, comme pour sceller un nouvel accord :

– Tu peux prendre ta barque, si tu veux : je l’ai remise à l’eau.

– Et où se trouve-t-elle ?

– À sa place habituelle.

Eugène ajouta, le sourire aux lèvres :

– Je me doutais que tu viendrais un de ces jours. Tiens ! Voilà une rame !

À peine Étienne prit-il le temps de remercier avant de se mettre à courir vers le fleuve où il embarqua aussitôt en sentant son cœur battre follement dans sa poitrine. Il retrouva aussitôt des gestes familiers, le glissement furtif



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